Quatrième de couverture : " Shalom " et " Salam " sont deux loups très gentils, alors pourquoi leur demander d'aller croquer les trois petits cochons ?... Cette histoire connue de tous devient, avec le scénariste Tarek et le dessinateur Morinière, un conte sur la tolérance qui nous interroge sur nos différences socio-culturelles.
Et moi, j'en pense quoi ? Aaah ! Les trois petits cochons. On peut dire que vous l'avez attendue cette critique. Depuis le temps que je l'ai commencée...
Avant d'en débuter l'écriture je ne pensais pas que j'avais tellement de choses négatives à dire au sujet de cette BD. Et si j'ai eu tellement de mal à l'écrire au départ c'est parce que je cherchais un moyen de le faire sans trop dévoiler l'intrigue. Ce qui finalement est impossible.
Du coup je vous préviens je vais devoir spoiler allégrement sinon je n'arriverais pas à en parler. Si vous souhaitez découvrir ce livre par vous même il vaut mieux arreter de lire ici même. Mais si vous voulez un avis forcément subjectif mais réfléchi quand à la morale de ce bouquin avant de l'acheter vous devriez peut-être continuer votre lecture.
Alors, dans ce livre nous faisons d’emblée la connaissance de deux loups, Salam et Shalom, l'un est juif l'autre musulman, et tout deux se retrouvent dans la forêt des contes imaginaires où une mission leur est donnée : trouver les trois petits cochons et les manger.
Nos deux loups, qui n'ont pas l'air aussi méchants qu'on aimerait qu'ils le soient, ne sont pas emballés par leur quête mais histoire de la faire avancer (l'histoire, donc) se mettent quand même en route.
Dans la foret ils sont mis sur la trace des trois petits cochons par le narrateur lui même et ils y rencontrent plusieurs personnages sortit d'autres contes, perdus ou juste de passage et le tout en devient rapidement un peu lou(p)foque.
Mais ils finissent tout de même par rencontrer nos trois cochons qui portent évidement des noms composés de jeux de mots idiots, Jean-Bon, Gras-Double et Petit-Groin. Les trois frères, bien que tout d'abord inquiétés par les canidés, finissent par accepter de croire en leurs bonnes intentions et tout ce petit monde devient rapidement amis et et se lance dans un pique-nique tranquille sous le soleil.
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Hem, pas tout à fait. C'est à cet instant que le narrateur revient et s’énerve de voir ces ennemis naturels si détendus et joyeux ensemble et il demande aux deux loups une explication quant à leur défection. Celle qui vient est forcément celle à laquelle on avait tous pensé :
" On ne peut pas manger des cochons, c'est notre religion qui nous l'interdit."
Okay. Qu'à cela ne tienne, notre narrateur pas franchement ravi par ce contre-temps déguise alors les trois petits cochons en trois petits moutons, animal qui paie cher son statut dans pratiquement toutes les grosses religions, et rappelle à l'ordre nos deux loups.
- Les moutons, c'est bon, vous pouvez les bouffer ?
- Ben, heu, ouais je crois bien. Y a rien qui nous interdit de leur faire du mal, hein ?
- Non, non, c'est bon. Les moutons on peut leur défoncer leur race, y a pas de soucis.
- Ok, nickel. Je vous en ai trouvé trois. Alors vous y allez et vous me les dézinguez ces sales bêtes.
Et c'est ainsi que les loupiots attrapèrent les cochons/moutons et les firent cuire vivants dans une grande marmite.
Fin
...
...
Bon ok, non, c'est pas comme ça que ça se termine. C'est pire en fait.
Heureusement donc (il n'y a que le mot Fin qui est faut, hein, tout le reste se passe bel et bien comme indiqué plus haut), la fée Bébéh (ouuuuuh la grosse caricature à peine cachée) débarque juste à temps pour sauver la veuve et l'orphelin les petits animaux innocents. Et pendant qu'elle s'égosille sur les loups, sur le narrateur et sur un peu tout le monde, les déguisements des cochons/moutons se disloquent dans l'eau presque bouillante et les loups comprennent qu'ils ont été trahis par le narrateur. Ils libèrent alors les cochons/juste cochons, s'excusent, sont pardonnés et, sans que l'on comprenne bien pourquoi, dans la case suivante tous les animaux de la foret débarquent pour une grande manifestation. Exigeant principalement, pour les "méchants naturels" de ne plus avoir systématiquement le mauvais rôle dans les histoires pour enfants.
La situation semble plutôt mal embarquée pour le narrateur qui se fait désormais houspiller de partout mais celui ci, malin comme un singe, avait prévu le coup (il n'est pas narrateur pour rien, braves gens). Et qui c'est qui sort subitement du bois pour bouffer tout le monde ? Un nouveau loup. Un loup vraiment mais vraiment très méchant ! Un loup tellement méchant que même Shalom et Salam se réfugient avec les animaux de la foret dans la maison des petits cochons de peur de se faire étriper.
Et c'est là que nous allons revenir deux minutes sur ce fameux nouveau loup.
Alors qu'ils erraient dans la foret, plus tôt dans l'histoire, les deux (pas si) méchants loups ont rencontré un autre loup, un vieux loup tout rabougri et au chômage. Ils ont échangé quelques mots, quelques civilités pourrait-on même dire malgré leur status de bêtes sauvages, et finalement le loup sans travail ne semblait pas terriblement plus méchant qu'eux. Il regrettait juste que tout le travail ne soit désormais plus attribué qu'à de jeunes louveteaux et qu'il ne soit de ce fait même plus en mesure de trouver un petit rôle de figurant au vu de son grand age.
Or, le revoici justement à cet instant précis devant la maison des trois petits cochons et on peut clairement dire qu'il s'agit là du rôle de sa vie puisque tout les autres animaux sans exceptions sont morts de trouille. Même les deux (pas si) méchants loups n'osent pas sortir pour tenter de le résonner. C'est que c'est un vrai méchant, lui, d'après leur dire.
Et c’est vrai, un chômeur longue durée quand il retrouve enfin un job il serait prêt à tout pour le garder, pas vrai ? Y compris à devenir le pire prédateur et le plus méchant des méchants qui soit. Ce n'est même pas la peine de parler avec lui, il ne comprendrait pas ce qu'on essaie de lui expliquer, ça ne peut-être qu'un pauvre dégénéré même pas foutu de s'acheter une morale. Pas comme nos deux (pas si) méchants loups qui auraient été bien incapables de faire du mal aux petits cochons donc. Vu que les cochons ça ne se mange pas, dixit le Grand Loup Triangulaire dans le Ciel.
Du coup il va falloir l'éliminer ce chômeur sur le retour et ce sera fait grâce à une marmite d'eau bouillante dans laquelle il se jettera de lui même en voulant entrer par la cheminée. Il fuira donc se cacher, avec le cul ébouillanté, et tout les animaux de la foret sortiront de la maison en chantant, ravis d'avoir gagné face à cette face de gland.
Et après ça ? Bah il y aura un grand banquet, comme dans Asterix, mais sans les sangliers rôtis, quand même, on n'est pas des sauvages, hein. Même si, en toute honnêteté ça ne m'aurait même pas surprise. Les lapins peuvent bien bouffer des carottes si ça leur chante mais ce n'est pas une raison pour affamer les grands carnivores qui, même s'ils trouvent le maïs grillé de Jean-Bon excellent ne vont certainement pas tenir très longtemps à ce régime là. (Irony, oh sweet irony)
Autre chose, -oui, parce que lancée pour lancée, hein- certains animaux sont clairement humanisés, ils se tiennent sur deux pattes, sont habillés, parlent, etc, mais d'autres sont nus et à quatre pattes, comme des animaux "normaux" donc. Tout les figurants en fait. Un seul des animaux de la foret venus pour manifester va prendre réellement la parole et il se tiendra debout et habillé alors que les autres ne le seront pas. Du coup on doit prendre ça comment ? Il y a, dans cet univers des contes imaginaires, une forme de hiérarchie bizarre qui veut que les animaux les plus intelligents s'habillent et se tiennent sur deux pattes ? Même les parents des trois petits cochons élèvent des poules dans leur ferme. Des poules qui picorent le sol et ne semblent même pas dotées de parole...
Je ne suis pas contre les univers avec des animaux anthropomorphisés, je trouve même ça plutôt sympa dans bien des cas, seulement il faut garder un minimum de logique quand on le fait et je veux bien croire que ce soit extrêmement difficile quand on a même pas un début d’éducation sur ce qu'est le spécisme, ce qui semble clairement être le cas ici. Il y a mille et une chose qui ne vont pas dans ce livre et qui auraient du être remarquées par le dessinateur, le scénariste, l'éditeur ou au moins l'une des nombreuses personnes qui ont du avoir le livre dans les mains avant sa sortie. Or, personne n’a rien vu et c'est un vrai, gros, problème.
Parfois je me demande si je n'analyse pas un peu trop... Ce n'est qu'un livre pour enfants après tout. Mais justement, c'est peut-être pour cette raison que je suis si critique. Les histoires pour enfants ont un impact sur ce qu'ils vont devenir, ce qu'ils vont penser, ce qui leur semblera normal. Faites leur lire des livres où les filles sont toutes des ballerines et les garçons des pilotes auto et il ne comprendront pas qu'un garçon puisse vouloir s’intéresser à la danse. Faite leur lire des livres où même les animaux entre eux font preuve de spécisme en rabaissant certaines espèces et ils ne comprendront pas pourquoi il est inacceptable que des poules soient entassées pas dizaines dans des cages d'un mètre de coté. Faites leur lire des livres où un acte répugnant (tuer quelqu'un qu'on ne connait pas, qui n'a visiblement rien fait de mal et cela juste parce qu'un pauvre trou du cul a dit qu'il fallait le faire) est soit intolérable, soit parfaitement envisageable simplement à cause des origines ou de l'aspect de cette personne (c'est un cochon on touche pas, c'est un mouton on le bouffe) et ils auront toutes les cartes en mains pour devenir intolérants, endoctrinables et dangereux.
Ce qui aurait du être un conte prônant l'acceptation des autres et la tolérance devient finalement un traité spécifiant qu'on peut faire du mal aux autres si rien dans la loi ne nous l'interdit... Ce livre, une fois décortiqué devient l'exact opposé de ce qu'il se promettait d'être. Et personne dans l'équipe éditorial n'avait les outils en mains pour le voir ?
Points forts : Les dessins qui ne sont franchement pas dégueu.
Points faibles : Le mauvais pas qui fait trébucher, il faut être tolèrent envers certains mais surtout pas envers tous. Et il ne faut pas tenté d’éduquer ceux qui sont dans l'erreur mais plutôt les exterminer. C'est plus rapide, plus fonctionnel, plus uniforme. Ce livre se plante sur toute la longueur dans son discours !
Nombres de tomes : 1

Bah oui, il y a des loups, des méchants et BB.
C'est raccord avec le thème, non ?